Et Rouen est toujours la même. Ce sont toujours ces mêmes pavés tordus que je vois quand je baisse les yeux, et toujours ces mêmes églises pointues que je vois quand je lève la tête. Ce sont toujours les mêmes rues que je parcours, en long, en large, et en travers, toujours les mêmes directions à en perdre la raison. Ce sont toujours les mêmes gens que je croise, de la personne la plus insignifiante à mes yeux à celle qui suffit à faire rayonner une journée. Ce sont toujours ces mêmes soirées, autour d'un verre, à la terrasse d'un restaurant, chez untel, une bouteille à la main, sur les quais, une bouteille dans l'autre main. Ce sont toujours ces mêmes sourires, les leurs, à m'en faire imploser le coeur. Rouen, ce sont tous ces souvenirs qui se cachent à chaque coin de rue. Ce sont des cris, des rires, des larmes, des chansons, des déceptions, des soulagements, des épuisements, des jérémiades, des moments de bonheur. Les miens, les leurs. Les autres aussi. Rouen. C'est quand on partait à l'aventure, quand on rencontrait des multitudes de gens, quand on n'savait pas où dormir, quand on errait de rive droite à rive gauche, quand on courrait comme des dératées pour ne pas louper notre train le dimanche matin. Rouen. C'est quand on vit à 3 dans 20 m², quand on se supporte jour et nuit sans jamais geindre, ou si peu, quand on part en forêt sur un coup d'tête, quand on s'asseoit au bord de la Seine, quand on devient des habituées du Zooloo alors qu'il ferme ses portes, quand on réalise qu'on a rencontré des dizaines de gens en un laps de temps si court. Quand on réalise que Rouen c'est toute notre vie. De l'époque où on partait de chez nous en stop après les dures journées de labeur au lycée pour aller se changer les idées, à aujourd'hui, il n'y a qu'un pas. Un tout petit pas. Rouen, c'est hier, c'est aujourd'hui. C'est demain. Et toujours cette même rengaine de vie.
Je n'sais pas à quoi rime cet article. C'est pas un adieu, c'est pas un hommage à la ville aux cent clochers, ni une plainte sur le fait qu'elle soit toujours la même. Plutôt une appréhension de l'avenir, plutôt des bribes de vie.